Visiteurs de 1800 à 1900

Visite du général Foy (1775-1825) en septembre 1821

Le général Maximilien Sébastien Foy, ancien général d’Empire, député et porte parole de l’opposition sous la Restauration, en visite en Alsace et dans les Vosges fut reçut par la famille Hartmann en septembre 1821.
Le général Foy était l’ami de Frédéric Hartmann-Metzger. Cette amitié remontait aux années de la Révolution (vers 1797), alors que le grand orateur débutait comme lieutenant d’artillerie par la construction de quelques travaux de défense au Hohneck et Rothenbach.
Une fête en son honneur lui fut organisée au Schlosswald, au-dessus de Munster. Henri Lebert nous relate cette visite du 2 septembre 1821 :
« La détonation des boîtes annonça son arrivée au Schlosswald. Un ballon lancé par M. Portait, directeur de la filature, partit avec cette inscription : « Honneur au général Foy ».
« Un orchestre placé dans un bosquet et dirigé par M. Meyer exécutait des symphonies. Le soir, feu d’artifice. La ferme fut illuminée. Trois transparents les décoraient. Celui du milieu, le plus grand, portait pour inscription « Honneur et Gloire au défenseur de nos libertés », les deux autres « Au député Foy, l’industrie », « Au député Foy, les légionnaires ». Ces inscriptions étaient entourées de couronnes de lauriers et d’immortelles. La grande avenue du Schlosswald fut illuminée en lanternes de couleurs. […]
Le général Foy visitait les Vosges dans la Petite Vallée. Loewel et moi attendions son retour par la Schlucht. Nous avions fait placer de distance en distance sur les rochers des boîtes, artillerie de Munster. Une musique d’harmonie devait sur un traîneau ouvrir le convoi à la descente. A l’arrivée du général et de la famille Hartmann qui l’accompagnait, les détonations du canon et la musique firent résonner les échos de la Schlucht ».
Le général Foy quitta Munster le 10 septembre 1821.
Il revint par la suite bien souvent à Munster et une longue correspondance des plus intéressantes avec Frédéric Hartmann-Metzger se continua jusqu’à la mort du général en 1825.

Franz Liszt (1811-1886) à Munster en 1845

Passionnés d’art et en particulier de peinture et de musique, les Hartmann ont exercé avec discernement et générosité une véritable fonction de mécène. Les Hartmann ont invité à Munster plusieurs musiciens célèbres dont le grand pianiste et compositeur d’origine hongroise Franz Liszt. Chopin devait également se rendre à Munster mais la maladie l’en a empêché. Tous deux furent les maîtres de Caroline Hartmann (1807-1834), fille de Jacques Hartmann, dont le talent était unanimement reconnu.
Henri Lebert (1794-1862) a relaté l’épisode fameux de la venue de Franz Liszt à Munster en 1845. Violoniste et poète remarquable, Lebert était régulièrement l’invité des soirées musicales organisées chez la famille Hartmann. En juin-juillet 1845, Franz Liszt était de passage en Alsace. Dans son journal autobiographique, Lebert nous apprend, qu’après le concert triomphal du 29 juin 1845 à Colmar, Franz Liszt vint à Munster le 1 juillet sur l’invitation de Henry Hartmann :
« M. Hartmann fit à cette visite l’accueil le plus distingué. Après un somptueux déjeuner, on se rendit en voiture au Schlosswald où l’on fit une halte, d’abord à la terrasse Napoléon, puis à la ferme. On visita la filature avant de se rendre au pavillon de musique dans le jardin de M. Jacques Hartmann. Là, je retrouvai tous mes vieux souvenirs en voyant le piano de Mademoiselle Caroline que son professeur de 1833 allait toucher, sans qu’elle put partager nos ravissements. Des quatre pianistes inscrits sur les murs de la rotonde, Liszt, Weber, Chopin, Hiller, le premier nom était entouré de lauriers. Trois de ces grands artistes avaient donné des leçons à Mademoiselle Caroline Hartmann et Weber, s’il n’était pas mort en 1827 à Londres, serait venu à Munster. Liszt, par caprice, joua un morceau de chacun de ces maîtres. […]
« On fit ensuite une promenade en voiture au Solberg, puis on revint chez M. Hartmann pour le dîner du soir. La réception de M. Hartmann fut ainsi que l’exprima Liszt, royale. Mais au moment où nous espérions entendre Liszt dans une improvisation d’adieu, le malencontreux Schloesser se mit en controverse musicale avec le grand artiste. Liszt s’échauffa et aplatit comme une punaise le maestro de Colmar dont les prétentions sont aussi connues dans un petit rayon que la réputation de génie de Liszt l’est dans le monde. Aussi, sommes-nous partis de Munster à onze heures du soir avec d’heureux souvenirs, car Liszt est admirable, qu’il touche son instrument ou bien qu’il parle sur les questions élevées ».
D’aucun affirme que le piano de Caroline sur lequel joua Franz Liszt est celui légué par Madame Aimée Hartmann, épouse de Frédéric Hartmann, à l’Harmonie Hartmann. Précieusement conservé, cet instrument fait, depuis 1999, partie intégrante du patrimoine historique de la Ville de Munster.

Le Général Baron Meyer de Schauensée (1777-1860)

Bernardin Meinrad Fridolin Joseph Philippe de Néry Pierre Jean-Baptiste Meyer de Schauensée est né à Lucerne en Suisse le 20 janvier 1777 et décédé à Colmar le 5 septembre 1860.

Baron, général de brigade dans les armées de la Révolution, il s’engagea comme simple soldat au 9ème régiment de dragons. Il fit la campagne d’Italie et fut fait prisonnier de guerre après la reddition de Mantoue du 2 février 1797. Mis en liberté par échange d’officiers ; il assista comme sous-lieutenant à la bataille de Marengo le 14 juin 1800. Il concourut à la reddition d’Ulm le 20 octobre 1805, reçut une grave blessure à Austerlitz le 2 décembre 1805.

En 1806, il combattit vaillamment à Iéna, fit la campagne de Pologne, où il conquit les grades de capitaine et à nouveau blessé à Pułtusk le 26 décembre 1806. Il suivit le général Suchet en Espagne, assista au mémorable siège de Saragosse en décembre 1808 et aux batailles de Maria et Belchite les 14 et 18 juin 1809, livrées au général Blacke. Il gagna les épaulettes de colonel à la prise des forts de Lérida le 13 mai 1810, où il commanda l’assaut.

En 1812, il enfonça, à la tête d’une brigade d’avant-garde, le centre de l’armée espagnole au combat de Jécla : l’ennemi y perdit 1.200 prisonniers, dont 68 officiers et un drapeau. Il fut alors promu général de brigade, distinction que le modeste preux refusa en faveur de colonels plus anciens que lui. Cette abnégation héroïque lui valut toutefois le titre de baron de l’Empire, et Napoléon lui attacha de sa main la croix d’officier de la Légion d’honneur. Il combattit ensuite, le 12 septembre 1813, contre le général anglais lord Bentink au col d’Ordal, puis contre un corps considérable d’Autrichiens.

Meyer passa au 5ème corps d’observation le 6 avril 1815, à l’armée des Alpes le 8 mai. Il se fit naturaliser Français selon ordonnance du roi du 6 août 1817. Ensuite il exerça plusieurs commandements, puis a été affecté à la section de réserve de l’état-major général de l’armée.

Le déroulement de sa carrière militaire et ses décorations se résume comme suit :

1799 : maréchal des logis
1er avril 1800 : sous-lieutenant
25 janvier 1804 : lieutenant
1805 : aide de camps du général Suchet
1806 : capitaine
22 octobre 1808 : chef d’escadron
28 juin 1813 : général de brigade
30 août 1814 : chevalier de Saint-Louis
21 octobre 1814 : commandant supérieur de Mont-Louis.

Il est commandeur de la Légion d’Honneur en récompense de sa conduite en Italie, à la Grande Armée de 1806 à 1808, et plus tard en Espagne, ainsi que des blessures qu’il reçut à Austerlitz et à Pultusk.

A la seconde Restauration, il vint habiter Colmar où il se maria en 1817. Le roi Charles X le reçut le 10 septembre et le Baron fut invité au dîner le lendemain lors de son passage à Colmar en 1828. Le roi Louis-Philippe le fit commandeur de la Légion d’honneur le 9 juillet 1831, avec le commandement du Haut-Rhin et d’une brigade de cavalerie. Il fut mis en retraite en 1848. Il mourut quatre mois après une chute qu’il fit le 10 mai 1860.

Les parents du Baron sont Joseph Rodolphe Meyer de Schauensée et Marie Walburge de Fleckenstein. Le 24 septembre 1817, il épouse à Colmar « Caroline » FrédériqueSchouch (1798-1845), Frédéric Hartmann/Metzger est son témoin. Caroline une sœur Emilie « Louise » Schouch (1795-1834) qui épouse, l’année suivante Nicolas Henry Hartmann (1782-1856).

Le Baron et son épouse ont au moins deux enfants : Caroline Frédérique (1818-1884) et Sigismond (1820 – ?).

En 1818, il est témoin au mariage de Nicolas Henry Hartmann avec Louise Emilie Schouch. En 1820, il est témoin à la naissance d’André Frédéric Henry Jules Hartmann. Le 19 avril 1845, à Munster, il est témoin d’Edouard Gros lors de son mariage avec Léonide Hartmann. Compte-tenu de ses liens familiaux avec les Hartmann, il a dû se rendre plusieurs fois à Munster à l’occasion de fêtes de famille

Le Général Baron Meyer de Schauensée est l’oncle par alliance de :

· André Henry Frédéric Jules Hartmann (1820-1881), époux de Blanche Sanson-Davillier (1829-1908),
· Jacques Félix Frédéric Hartmann (1822-1880), époux d’Aimée Sanson-Davillier (1826-1907)
· Léonide Hartmann (1823-1863), épouse d’Edouard Gros (1819-1910),
· Jacques Hartmann (1825-1887), épouse d’Emma Steiner,
· Alfred Hartmann (1826-1898),
· Jenny Hartmann (1828-1897), épouse de Nicolas Schlumberger fils (1815-1888).

La fille du Baron, Caroline Frédérique, épouse Albin Gros (1814-1882), un frère d’Edouard Gros, l’époux de Léonide Hartmann. Son fils Sigismond devient Percepteur des Contributions Directes à Sainte-Croix-en-Plaine.

Le Général Baron Meyer de Schauensée a enrichi le musée de Colmar de plusieurs objets précieux.

R. Bock

Napoléon III à Munster en 1858, 1865 et 1867

L’empereur Napoléon III a passé la nuit à Munster du 24 au 25 juillet 1858. Ce bref mais illustre épisode est à replacer dans le cadre d’une rencontre entre la grande-duchesse Stéphanie de Bade née de Beauharnais et son impérial cousin, l’empereur des Français, alors en cure à Plombières.
Entouré de ses nièces et neveux, Henri, Frédéric et Jacques, Frédéric Hartmann-Metzger eut l’insigne honneur d’accueillir en sa demeure ses hôtes princiers. Cette maison se trouvait autrefois à l’entrée de l’actuel Parc Dr Albert Schweitzer. Elle fut gravement endommagée en 1915 et disparue après 1918.
Cette visite de Napoléon III ne fut pas la dernière. Pour marquer la fin des travaux de la route de la Schlucht (1842-1860), les Hartmann avaient fait construire en 1858 un chalet, le fameux Chalet Hartmann qui recevra la visite de Napoléon III en 1865 (en cure à Plombière, il avait rencontré Cavour dans un mystérieux tête-à-tête) et 1868. Plus tard Guillaume II y fit également un passage en 1908.
Ce chalet disparut dans les années 1960.

Les peintres Théodore Rousseau (1812-1867) et Jean-François Millet (1814-1875) à Munster en 1867 et 1868

Si Millet est aujourd’hui mondialement connu, il n’en fut pas de même de son vivant. Installé pauvrement à Barbizon (en lisière de la forêt de Fontainebleau) à partir de 1849, père de neuf enfants, c’est, entre 1850 et 1870, un peintre peu apprécié.
A quelques maisons de Millet habitait Théodore Rousseau, remarquable paysagiste de l’Ecole de Barbizon, que les jurys écartèrent des salons pendant 20 ans. C’est avec cet éternel refusé » que se lia d’abord Frédéric-Félix Hartmann, avant de rencontrer Millet.
Vers 1845-1850, pendant ses études d’avocat à Paris, Frédéric-Félix Hartmann (1822-1880) fit la connaissance de Rousseau par l’intermédiaire du peintre vosgien, intime de Rousseau, Louis Français (Plombières 1814-1897). Frédéric Hartmann fin connaisseur et amateur d’art averti invita Rousseau à Munster en 1863. Celui-ci ne put faire le voyage mais se rendit à Munster plus tard en 1867. Quelques mois avant sa mort il alla, en effet, y passer plusieurs jours, mais en l’absence de Frédéric Hartmann. En décembre 1867, Rousseau meurt à Barbizon, laissant inachevées plusieurs toiles commandées et déjà payées par Hartmann.
En janvier 1868, l’industriel de Munster s’adresse à Jean-François Millet pour lui achever ces toiles. Lui rendant visite à Barbizon, il est conquis pas sa peinture. Un accord intervient rapidement pour une commande de 4 toiles, de taille moyenne. Ces toiles ne seront terminées qu’en 1873, sauf « L’Hiver », qui restera inachevée. Les trois toiles peintes par Millet, « Printemps », « Eté » et « Automne », décorèrent, à partir de1874, la salle à manger des Hartmann, au Schlosswald.
En septembre 1868, malgré sa répugnance pour les voyages, Millet répondit à l’invitation de Hartmann et se rendit à Munster avec son ami Alfred Sensier. Ils n’y restèrent que quelques jours, continuant ensuite leur voyage en Suisse.
Les détails du séjour de Millet à Munster restent à préciser mais on sait cependant qu’au cours d’une excursion avec le peintre alsacien Alexis Kreyder (1839-1912), il fut frappé par un groupe de beaux chênes sur la route de Metzeral-Mittlach. Il en fit un croquis, de sorte que, par la suite, la Municipalité de Metzeral y fit appliquer une plaque portant l’inscription « Chêne-Millet ».
Millet a-t-il peint un tableau d’après le croquis relevé à Munster, comme on l’a supposé ? Rien ne permet de l’affirmer. L’hypothèse la plus plausible concernant la présence en 1950, d’une grande toile signée Millet dans la propriété du Kleebach, est qu’il s’agit d’une peinture du fils de Millet, François Millet (1851-1917), à qui Hartmann commanda au moins deux peintures. A l’exposition artistique de Munster de 1932 furent d’ailleurs exposées quatre toiles de ce fils de Millet : « Approche de l’Orage à Ludenbuhl », « Mittlach », « La ferme du Solberg » et « Atelier de Peinture ».

Le 7 mai 1881, à l’hôtel Drouot, la vente après décès d’une partie de la collection Frédéric Hartmann comprenait 21 pièces d’une valeur exceptionnelle :
– 2 toiles d’Eugène Delacroix,
– 6 toiles et 4 dessins de Théodore Rousseau
– 8 toiles et un pastel de J. F. Millet

Dans cette vente figurait en particulier le célèbre « Printemps » racheté par Mme Julie Aimée Hartmann (1826-1907), l’épouse de Frédéric Hartmann, qui en fit don au Louvre en 1887.